Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, duchesse de
Menars1, née le
29 décembre 1721 à
Paris et morte le
15 avril 1764 à
Versailles, est une Française, femme d'influence sur les plans politique et artistique, devenue
favorite de
Louis XV, roi de France et de Navarre.
Proche du père de Jeanne-Antoinette, Joseph Pâris avait été exilé de 1726 à 1729 sous le gouvernement du cardinal de Fleury. La mort de celui-ci, en janvier 1743, donne l'occasion aux frères Pâris, au cardinal de Tencin, à sa sœur la marquise de Tencin et au maréchal de Richelieu de rentrer en grâce. Ce cercle dispose d'une occasion pour se placer auprès de Louis XV. La jeune Jeanne-Antoinette, qui est très proche des Pâris, paraît susceptible de plaire au roi. Le stratagème mis en place fonctionne et porte ses fruits en 1745.
Le 23 février 1745 est célébré le mariage religieux du fils du roi, le dauphin Louis, avec l'infante Marie-Thérèse d'Espagne. Des fêtes sont organisées pendant huit jours pour cet événement. Le 25 février a lieu dans la Galerie des Glaces au château de Versailles, un bal masqué où est invitée Jeanne-Antoinette, sous l'apparence de Diane chasseresse. Le roi et ses plus proches courtisans sont costumés en ifs et la cour observe que l'un d'entre eux s'entretient longuement avec cette belle inconnue13. Les conversations se cristallisent autour de ce couple et l'on pense reconnaître le souverain. La scène est immortalisée par le peintre Charles-Nicolas Cochin et « ceux qui prononcent à mi-voix le nom de Mme d'Étiolles croient à un simple caprice »13. Trois jours plus tard, le 28 février, au cours du bal offert à l'Hôtel de ville de Paris par le corps municipal, une nouvelle rencontre entre Madame d'Étiolles et Louis XV confirme l'intérêt que lui porte le roi14.
Jeanne-Antoinette devient une visiteuse régulière et, le 10 septembre 1745, Louis XV l'installe au château de Versailles dans un appartement situé juste au-dessus du sien, relié par un escalier secret15.
Le 24 juin 1745, le roi lui fait don du domaine de Pompadour, acquis le 15 juin par la Couronne auprès du prince de Conti, le roi relevant le titre tombé en déshérence faute d'héritier mâle16, la créant ainsi marquise, tandis que Jeanne-Antoinette obtient de son mari une séparation légale. En effet, le Châtelet de Paris prononce le 15 juin 1745, un arrêt de séparation de corps et de biens. La présentation officielle de la nouvelle favorite à Versailles, le 14 septembre 1745, nécessite une princesse de sang. Pour cette cérémonie très protocolaire, la princesse de Conti accepte d'être la marraine de Jeanne-Antoinette, en échange de l'extinction de ses dettes17. Elle a 23 ans. Pour l'initier aux « bonnes façons » de la Cour, on lui choisit deux maîtres de conduite, Charles-Antoine de Gontaut-Biron et l'abbé de Bernis18. Elle cherche progressivement à conquérir les différents cercles du roi, mais reste haïe par la famille royale, le dauphin la surnommant « maman putain19 ». Les milieux dévots d'une part et les milieux aristocratiques conservateurs d'autre part concentrent leurs attaques sur la nouvelle maîtresse du roi, certes pécheresse mais surtout parvenue puisque issue de la haute bourgeoisie et non de l'antique noblesse comme l'étaient les précédentes favorites du roi. La veille de Noël, le 24 décembre 1745, décède sa mère Louise Madeleine de la Motte à l'âge de quarante-six ans20.
Le 21 mai 1746, Louis XV achète pour la somme de 750,000 livres à Louis-Alexandre Verjus, marquis de Crécy, son château pour l'offrir à Madame de Pompadour. Elle charge l’architecte Jean Cailleteau dit « Lassurance » et le paysagiste Jean-Charles Garnier d'Isle d'embellir son domaine en remaniant le château et en redessinant tout le village. Elle commande au peintre François Boucher des trumeaux peints illustrant les arts et les sciences et fait apposer la façade en trompe-l'œil du moulin de la Bellassière, ayant une vraie vision paysagère d'ensemble. Toujours en 1746, Louis XV donne aussi à la Marquise de Pompadour une parcelle d'environ 6 hectares dans le parc de Versailles, au lieu-dit "Les Quinconces". Elle y fait construire en 1749 toujours par son architecte Lassurance21 une demeure pleine de charme, avec un jardin français, un jardin fruitier, un jardin botanique et des volières, qu'elle appelle son Ermitage22. Situé chemin de Versailles à Marly (au 10 de la rue de l'Ermitage, sous sa dénomination à partir de 1835), ce domaine fleuri contenait une fameuse vasque de marbre rose ayant appartenu à Louis XIV23.
Son influence politique croît au point qu'elle favorise le mariage hautement diplomatique entre Marie-Josèphe de Saxe et le dauphin Louis, fils de Louis XV, célébré le 9 février 1747. Son ascension sociale lui vaut d'être critiquée par des pamphlets injurieux, appelés « poissonnades ». Dans ce contexte, Madame de Pompadour obtient la disgrâce du ministre, le comte de Maurepas, accusé de rechercher avec si peu de zèle les auteurs de ces libelles, d'autant qu'elle le soupçonne de complicité24. Sa famille a subi également les quolibets, tel que le grand-père maternel de Jeanne-Antoinette, Jean de la Motte, entrepreneur des provisions, surnommé le « boucher des Invalides », employé par ses ennemis pour rappeler que c'est la première fois qu'un roi de France prend pour favorite une femme du peuple25.
En février 1748, la marquise acquiert le château de la Celle, à quelques kilomètres de Versailles, pour la somme de 260 000 livres26. La reine et le Dauphin, appuyés par les milieux dévots, pressent le roi de faire cesser cette relation adultérine notoire et finissent par le faire céder après de nombreuses années de résistance. Cependant, bien qu'elle cesse de partager l'intimité du roi, sa carrière connaît une nouvelle promotion : elle obtient en 1749 le privilège royal de loger dans l'appartement du duc et de la duchesse de Penthièvre au rez-de-chaussée du corps central du château de Versailles alors que Mesdames les filles du roi le convoitent27. La même année 1749, elle choisit comme médecin personnel le docteur François Quesnay, futur chef des physiocrates, qui obtient le titre de médecin consultant du roi et un logement à la cour (un « entresol » situé au premier étage) proche du rez-de-chaussée qu’habite Mme de Pompadour28.
Après 1750, si les relations entre le roi et sa favorite prennent un tour platonique, voire simplement amical, Jeanne-Antoinette ne quitte pas la cour pour autant et reste dans l'entourage immédiat de la famille royale, alignant sa conduite sur celle qu'avait eue en son temps la marquise de Maintenon. Mme de Pompadour excelle en effet à distraire Louis XV, lui fait découvrir les arts, organise des fêtes, des représentations théâtrales29, entretient le goût du souverain pour les bâtiments et les jardins, multiplie ses résidences hors de Versailles30. Ce qui explique qu'après avoir été pendant cinq ans sa maîtresse, elle reste la favorite en titre31. Forte de son pouvoir, elle obtient du roi de donner titres et faveurs à son frère, Abel-François Poisson, qui devient successivement marquis de Vandières, de Marigny et de Menars. Ce dernier est enfin nommé en 1751, directeur des Bâtiments du roi32.
Jeanne-Antoinette ne contente plus la sensualité du roi et elle craint d'être supplantée par une dame de la cour. Ce rôle dont elle ne peut s'acquitter, Madame de Pompadour le délègue obscurément à des subordonnées. Il se trouve « dans l'entourage de Louis XV, des pourvoyeurs compétents »33, comme le duc de Richelieu ou Dominique-Guillaume Lebel, premier valet de chambre du roi33. Des jeunes femmes ou jeunes filles, sont donc présentées au souverain et logées dans la maison du Parc-aux-cerfs, l'actuel quartier Saint-Louis, à Versailles34. Les plus célèbres des maîtresses sont Charlotte Rosalie de Choiseul-BeaupréN 1,35, Anne Couppier de Romans dont le fils, Louis Aimé, est reconnu par le roi sans le légitimer, ce qui fait trembler la marquise, et Marie-Louise O'Murphy de Boisfailly, dite Morphyse, qui donne naissance à une fille, Agathe Louise36.
En 1753, Louis XV achète l'hôtel d'Évreux (aujourd'hui, Palais de l’Élysée) et l'offre à son amie pour en faire sa résidence parisienne.
Le 15 juin 1754, la fille unique de la marquise, Alexandrine, née de son mariage, dont elle avait obtenu la garde et qu'elle élevait depuis telle une princesse royale, contracte une péritonite aiguë au couvent des Dames de l'Assomption, rue Saint-Honoré à Paris, où elle recevait son éducation. Madame de Pompadour, retenue à Versailles, n'est pas présente. Lorsque la nouvelle lui parvient, Louis XV dépêche en urgence deux de ses médecins personnels au chevet de l'enfant, mais ils arrivent trop tard. La jeune Alexandrine, âgée de neuf ans, a déjà succombé. La marquise, profondément affectée, ne se remettra jamais vraiment de ce drame. Quelques jours plus tard, le 25 juin 1754 décède son père, François Poisson [note B].
Le samedi 7 février 1756, le roi annonce la nomination de Madame de Pompadour, dame du palais de la Reine et la présentation a lieu le lendemain, après les vêpres37. Le 30 juin 1760, la marquise de Pompadour fait l'acquisition, par acte passé devant Maîtres Alleaume et Delamanche, notaires à Paris, du château et du marquisat de Menars, de la terre de Nozieux et de toutes leurs dépendances, propriétés de Mesdames de Lastic et de Castellane. Le montant total de ce vaste domaine s’élève à 880 000 livres38. En 1763, le roi érige le marquisat de Menars en duché, ce qui permet à Mme de Pompadour d'accéder au rang de duchesse1.
Pendant son « règne » de vingt ans, elle maintient des rapports cordiaux avec la reine. Mme de Pompadour entretient aussi des relations avec les ministres qu'elle invite parfois dans ses appartements.
Elle appuie la carrière du
cardinal de Bernis, du
duc de Choiseul et soutient le renversement des alliances de la Prusse vers l'Autriche qui se concrétise par la
guerre de Sept Ans et la perte de la Nouvelle-France. La légende veut que la marquise, pour consoler le roi très affecté par la déroute de
Rossbach, l'aurait exhorté à ne pas s'affliger outre mesure, concluant par ces mots :
« Il ne faut point s'affliger : vous tomberiez malade. Après nous, le déluge ! »