Marguerite Jeanne Japy, épouse
Steinheil, dite
Meg, née le
16 avril 1869 à
Beaucourt (
territoire de BelfortN 1) et morte le
18 juillet 1954 à
Hove dans le
Sussex au
Royaume-Uni, est une célèbre
salonnière et
demi-mondaine française.
Épouse du peintre académique Adolphe Steinheil jusqu'en 1908, elle est connue pour avoir entretenu une liaison avec le président Félix Faure — mort dans ses bras au palais de l'Élysée — et pour avoir ensuite été au cœur d’une sombre affaire judiciaire.
Issue d'une riche famille industrielle, les Japy, qui furent des associés de la famille Peugeot, elle est la fille d’Édouard Louis Frédéric Japy (1832-1888), agronome et industriel protestant devenu rentier. Sa mère, Émilie Rau, est une fille d’aubergiste. Marguerite étudie le piano et le violon et suit l'éducation soignée d'une jeune fille de la très bonne bourgeoisie provinciale. Elle fait ses débuts dans le monde dès 1886 en participant à des bals de garnison. Elle s’éprend d’un jeune officier, Pascal Sheffer, liaison à laquelle son père met un terme.
Âgée de vingt ans, elle se rend à Bayonne chez sa sœur aînée afin de se changer les idées ; elle y rencontre Adolphe Steinheil, neveu du peintre Meissonier. Elle le retrouve plus tard à Biarritz, où il exécute des fresques pour la cathédrale de Bayonne. Le 9 juillet 1890, elle l'épouse au temple protestant de la petite ville de Beaucourt où elle est née vingt-et-un ans plus tôt. Ils ont une fille, Marthe. Mais bientôt, la mésentente s’installe au sein du couple, qui évite le divorce mais vit sans intimité. Désormais, elle comme lui mènent librement leur vie sentimentale.
Elle devient par ailleurs une figure importante de la vie parisienne. Son salon est fréquenté par la bonne société : Gounod, Lesseps, Massenet, Coppée, Zola, Loti font partie de ses invités.
En 1897, lors d'un séjour à Chamonix, elle est présentée au président Félix Faure, qui confie une commande officielle à son époux. Cette commande donne souvent l'occasion au président de se rendre impasse Ronsin à Paris, dans la villa du couple Steinheil. Bientôt, Marguerite devient la maîtresse du chef de l'État et le rejoint régulièrement dans le « Salon bleu », pièce discrète et intime située au rez-de-chaussée de l'Élysée.
Félix Faure entretient alors le projet de divorcer de son épouse Berthe, afin d'épouser en secondes noces Marguerite.
Le 16 février 1899, le Président l'appelle au téléphone pour qu'elle passe le voir en fin d’après-midi. Quelques instants après son arrivée, les domestiques entendent des coups de sonnette affolés et accourent dans le Salon bleu : allongé sur un divan, pantalon et caleçon descendus sur les chevilles, Félix Faure râle tandis que Marguerite Steinheil rajuste avec précipitation ses vêtements en désordre. Le chef de l'État meurt quelques heures plus tard.
Officiellement, sa mort est due à une hémorragie cérébrale, une « attaque » comme on dit alors. Bien que les services de l’Élysée tentent de dissimuler que cet accident vasculaire cérébral est survenu lors d'une fellation, les circonstances exactes du décès sont vite connues des gens « bien informés ». Un journal parisien titre « Félix Faure a trop sacrifié à Vénus » mais sans en dire plus pour ne pas choquer ses lecteurs. Quant aux beaux esprits, ils y vont tous de leurs jeux de mots pour brocarder cet évènement peu commun. On connaît cet échange entre le majordome de Félix Faure et le prêtre appelé à l’Élysée en catastrophe pour administrer les derniers sacrements : « Le président a-t-il encore sa connaissance ? — Non, monsieur l’abbé, elle est sortie par l'escalier de service1. » Ce dialogue a probablement été inventé de toutes pièces pour faire un bon jeu de mots et il en existe une variante où ce n'est plus le prêtre mais le médecin qui pose la question au maître d'hôtel... On attribue aussi un autre mot d'esprit à Clemenceau : « Il se voulait César, mais ne fut que Pompée ». Les circonstances de la mort de Félix Faure valent à sa maîtresse le sobriquet de « la pompe funèbre ». Plus sérieusement, concernant les causes de la mort de Félix Faure, les médecins parlent, non pas d'« épectase » (une plaisanterie apocryphe signée du Canard enchaîné en 1974N 2) mais d'apoplexie[réf. nécessaire], voire de mauvais usage d’une substance à base de plante, destinée à renforcer la virilité2.
Ce scandale demeure partiellement caché à l'opinion publique mais refait surface neuf ans plus tard lorsqu'en 1909 éclate une affaire criminelle dans laquelle Marguerite Steinheil3 est impliquée.
Après la mort de Félix Faure, Marguerite Steinheil, bénéficiant désormais d'une « notoriété flatteuse » dans le monde politique, devient la maîtresse de diverses personnalités, dont le ministre Aristide Briand4 et le roi du Cambodge5. Selon ses Mémoires, qu'elle écrit vers 1912, elle et son époux reçoivent la visite d’un mystérieux visiteur allemand qui leur rachète l’une après l’autre les perles d’un collier autrefois offert par Félix Faure (le « collier présidentiel ») et leur réclame le manuscrit des Mémoires du président défunt qu'il lui aurait confié. Ce dernier point prête au doute car on ne voit pas pourquoi et comment Marguerite Steinheil, qui n'a pas remis les pieds à l’Élysée après la mort de Félix Faure, peut se retrouver en possession des mémoires présidentiels. L'enquête et le procès qui, en 1908 et 1909, suivent l'assassinat d'Adolphe Steinheil, ayant amplement démontré la personnalité narcissique et affabulatrice de Marguerite, ce qu'elle écrit ultérieurement dans ses mémoires est par conséquent sujet à caution.
En février 1908, elle fait la connaissance d’un industriel, Maurice Borderel, maire de Balaives-et-Butz, commune du département des Ardennes, dont elle devient également la maîtresse.
Le 7 avril 1908, Adolphe Steinheil expose des toiles dans son atelier, attirant le Tout-Paris. L'afflux de visiteurs laisse à supposer qu'ils sont plus attirés par l'espoir de croiser Marguerite que par la qualité artistique des réalisations du peintre...
En outre, Marguerite Steinheil pose pour des artistes : par exemple, la statue représentant La Muse de la Source, œuvre du sculpteur marseillais Jean-Baptiste Hugues lui est fortement ressemblante6. Cette statue qui, après le 4 janvier 1910, trône au Palais du Luxembourg est déplacée en 1986 au Musée d'Orsay7,8.
Le 30 mai 1908, Madame Émilie Japy, mère de Marguerite, passe quelques jours chez sa fille à Bellevue. Initialement prévu le soir, son départ est en dernière minute reporté au lendemain. Le lendemain 31 mai, à 6 heures du matin, le domestique Rémy Couillard descend de sa chambre, située sous les combles, et constate que toutes les portes du premier étage sont ouvertes : parcourant les chambres, il découvre successivement les corps de Madame Japy et d’Adolphe Steinheil9.
Madame Japy est décédée d’une crise cardiaque, Adolphe Steinheil a été étranglé. Quant à Marguerite, elle est bâillonnée et ligotée sur un lit. Elle explique aux policiers avoir été attachée par trois personnes — deux hommes et une femme rousse — en habits noirs.
Les services de police soupçonnent d’abord Marguerite d'avoir organisé l'assassinat de son mari en le maquillant en crime crapuleux, mais faute de preuves tangibles, l’accusation est abandonnée. Ensuite, les enquêteurs supposent que le mobile des trois voleurs est en réalité de retrouver des documents secrets ayant appartenu au président Faure, sans doute en rapport avec l’affaire Dreyfus, puis les choses se tassent. Mais, Marguerite Steinheil se montre impatiente face à l'inertie de la police : elle relance l’enquête en accusant Rémy Couillard, son domestique, en déclarant avoir trouvé une perle dans les poches de celui-ci, perle qu’elle avait affirmé s’être fait voler lors de l'agression. Démasquée en plein délit de mensonge, elle cherche alors à faire accuser Alexandre Wolff, le fils de sa gouvernante, mais celui-ci a un alibi irréfutable. Durant l’instruction, elle ne cesse de varier ses versions, accusant une personne puis une autre, allant jusqu'à s'accuser elle-même avant de se rétracter.
Le 4 novembre 1908, le juge d’instruction, M. Leydet, la fait arrêter et incarcérer à la prison Saint-Lazare. Elle y passe plus de 300 jours. Le juge est dessaisi de l’affaire au profit d’un nouveau juge, M. André. Le procès s’ouvre exactement un an plus tard, le 3 novembre 1909. La Cour d’assises de Paris est présidée par M. de Vallès et Marguerite est défendue par Maître Antony Aubin, assisté de Maître Landowski. Pendant le procès, quand elle est mise face à ses contradictions, les répliques de l'accusée fusent :
— « J’ai menti pour protéger ma vie de femme.
— Jusqu’en 1905, vous rencontriez vos amants à l’hôtel ?
— J’avais cette délicatesse ! »
Le procès est très médiatisé : on y apprend notamment que Marguerite Steinheil avait de nombreux « admirateurs », parmi lesquels le roi Sisowath du Cambodge5. L’opposition anti-dreyfusarde, cherchant alors à faire de cette affaire un procès politique, accuse Mme Steinheil d’avoir empoisonné Félix Faure pour le compte du « syndicat juif », parce que le président s’était déclaré hostile à la révision du procès Dreyfus1. Le 14 novembre, après une plaidoirie de son avocat de plus de sept heures, elle est acquittée par les jurés, bien que le président du tribunal eût souligné que ses explications étaient un « tissu de mensonges ».
Après le procès, elle part vivre à Londres sous le nom de Mme de Serignac. Elle rédige ses mémoires en 1912. Deux ans plus tard, Hargrave Lee Adam publie à Londres chez T. Werner Laurie une enquête dans laquelle il accuse Marguerite Steinheil d'avoir menti lors de son procès10. Le livre est saisi et retiré des rayons de la British Library à la demande de Marguerite. Le 26 juin 1917, elle épouse Lord Robert Brooke Campbell Scarlett (en), 6e baron Abinger et devient Lady Abinger. Son mari meurt en 1927. Vingt-sept ans plus tard, elle meurt dans une maison de repos de Hove, dans le comté du Sussex.
Marguerite Jeanne "Meg" Japy Steinheil, Lady Abinger (16 April 1869 – 17 July 1954) was a French woman famous for her many love affairs with important men. She became notorious when it became known that she was present at the death of President Félix Faure, who allegedly had a seizure while having sex with her. She was later suspected of the murder of her husband and stepmother.
Born Marguerite Jeanne Japy in Beaucourt, in the Territoire de Belfort, to a rich, industrial family, she married the well-known French painter Adolphe Steinheil in July 1890. She became a prominent figure in Parisian society, and her salon was frequented by men of eminence in French political and social circles, including Gounod, Ferdinand de Lesseps, René Lalique, Jules Massenet, François Coppée, Émile Zola, and Pierre Loti.
In 1897, she was introduced, at Chamonix, to President Félix Faure, who was giving an official contract to Adolphe Steinheil. Because of this, Félix Faure came often to their home on the Impasse Ronsin.
Shortly afterward Marguerite became Félix Faure's mistress and was regularly ushered into the salon bleu in the private quarters of the presidential Palais de l'Élysée.
On 16 February 1899, Félix Faure called Marguerite by telephone, asking her to come to the palace at the end of the afternoon. Briefly after her arrival, servants were rung for and they found the president lying on the couch while Marguerite Steinheil adjusted her disordered clothing. Félix Faure died several hours later.
Legend has it that she was performing oral sex on him when he had a fit, and died, his convulsed hands tangled in her hair. Of course nothing of this was officially announced, but rumours started spreading immediately, although for several years it was believed that his partner at the time of his death was actress Cécile Sorel.[1]
After the death of Félix Faure, Marguerite Steinheil became the mistress of many famous men.
In her Mémoires, she records how she and her spouse received a mysterious German guest, who bought back from them each of the pearls of a collar given to her by Faure (le collier présidentiel, as it became known in the press) and who reclaimed a manuscript of the president's memoires which he had entrusted to Marguerite.
In February 1908, she met the powerful industrialist Borderel, also from the Ardennes, and soon became his lover.
On 31 May 1908, Marguerite's stepmother and husband were found dead in their residence in the Impasse Ronsin, off the Rue de Vaugirard. Both had died of suffocation, the latter by strangling and the former by choking on her false teeth. Marguerite was found gagged and bound to a bed. She initially said that she had been tied up by four black-robed strangers, three men and a woman. Some newspapers speculated that they had come to her house in search of certain secret documents which Faure had entrusted to her keeping, possibly relating to the Dreyfus affair.
The police immediately regarded her as a suspect in the killings but had no hard evidence and made a pretense of abandoning the investigation. But Steinheil herself would not let the affair rest. She made an attempt to frame her manservant, Rémy Couillard, by concealing a small pearl which she affirmed had been stolen at the time of the murder in a pocketbook belonging to Couillard; after that fabrication was discovered, she blamed Alexandre Wolff, the son of her old housekeeper, but he was able to establish an alibi. She was arrested in November 1908 and taken to St. Lazare prison. The crime created a sensation in Paris. It was revealed that she had had a great number of admirers, including even King Sisowath of Cambodia. Opponents of the government tried to make political capital of the affair, the anti-Semitic Libre Parole even charging her with having poisoned President Faure. A sensational trial finally ended in her acquittal on 14 November 1909, although the judge called her stories "tissues of lies".
After the trial she came to live in London, where she was known as Mme de Serignac. She wrote My Memoirs in 1912. On 26 June 1917, she married Robert Brooke Campbell Scarlett, 6th Baron Abinger, who died in 1927. She lived at 24 Adelaide Crescent in Hove from that year[2] and died in a nursing home in the town.